D’où proviennent les pollutions dans les eaux ?
On estime en gros que 40 % des substances présentes dans les eaux proviennent des STEP (ménages et petites entreprises), 40 % de l’agriculture et 20 % de l’industrie et de l’artisanat.
Micropolluants d’origine ménagère
Les ménages privés, l’industrie et l’artisanat financent depuis des décennies un assainissement urbain et une épuration des eaux usées efficaces, selon le principe du pollueur-payeur. L’implémentation en cours des extensions de STEP résoudra en grande partie le problème de qualité relatif aux micropolluants ménagers dans les grands et moyens cours d’eau. Cela permettra de réduire au moins de moitié les micropolluants dans les cours d’eau. La plateforme VSA assure le suivi de l’implémentation en Suisse et offre un soutien technique. De nombreuses STEP sont en cours de planification et de construction. La décision du Parlement du 30 novembre 2021 prévoit de mettre à niveau 250 à 300 STEP au cours des années à venir, ce qui permettra de réduire encore davantage les polluants dans l’eau.
Micropolluants de l’industrie et l’artisanat
Les entreprises industrielles et artisanales déversent leurs eaux usées soit directement dans les eaux à l’issue d’un traitement interne, soit indirectement en passant par une station d’épuration communale, notamment dans le cas des petites et moyennes entreprises. Les atteintes des eaux usées industrielles étaient un sujet très présent jusque dans les années 1990, car les déversements de substances dans les eaux se manifestaient visiblement par la coloration des eaux usées, l’amoncellement de mousse ou la destruction des poissons. Depuis, la qualité de l’eau s’est nettement améliorée grâce aux exigences relatives au déversement des eaux industrielles et à l’extension des stations d’épuration. Toutefois, les entreprises continuent de produire et d’utiliser de nombreuses substances organiques synthétiques que l’on retrouve dans les eaux sous forme de micropolluants.
Généralement, les exigences concrètes formulées dans la législation sur la protection des eaux sont respectées. Les apports en substances nocives connues ont également considérablement diminué ces dernières années. Les grandes entreprises industrielles notamment ont déjà accompli de gros efforts en matière de protection des eaux et nettoient par exemple leurs eaux usées au cours d’un prétraitement, avant de les évacuer dans une station d’épuration publique. Dans la plupart des entreprises cependant, les traitements se concentrent sur d’autres substances et ne contribuent guère à réduire les micropolluants.
La présence de substances isolées à charges élevées dans les grands fleuves tels que le Rhin et le Rhône constitue un problème important. Bien que la charge de ces substances isolées soit de l’ordre du nanogramme au microgramme par litre, il peut en résulter plusieurs kilogrammes par jour qui sont acheminés par le Rhin dans les pays voisins. Dans certains cas individuels connus, plusieurs tonnes d’une même substance ont été déversées, sur toute une année, avec les eaux usées industrielles épurées. Ces rejets ont lieu soit ponctuellement, soit en continu. Selon le site et l’activité de l’entreprise, on retrouve parmi ces substances des principes actifs médicamenteux, des biocides, des solvants et d’autres substances telles que les matières de base pour la synthèse chimique. Il y a d’autres exemples avec beaucoup de substances inconnues dans les eaux usées d’exploitation épurées.
Lorsque des substances sont détectées, des mesures d’exploitation sont imposées par les autorités. Différents exemples montrent qu’une bonne interaction entre les mesures, l’identification des sources, les autorités et les exploitations contribue à la réduction des apports de substances dans les eaux.
Micropolluants provenant de l’agriculture
Les surfaces cultivées en agriculture intensive se trouvent précisément là où passent certains courants d’eaux souterraines significatifs pour l’approvisionnement en eau potable. Les pesticides et leurs produits de dégradation peuvent en partie parvenir dans les nappes phréatiques sensibles. Certes, tous les courants d’eaux souterraines ne sont pas pollués, mais de nos jours, environ 1 million de personnes doivent boire de l’eau potable dans laquelle les concentrations en pesticides sont supérieures à 0,1 microgramme par litre. (Référence bibliographique: aqua viva, Fokus: Wasserqualität p. 4)
De nombreux petits et moyens cours d’eau souffrent aussi d’apports élevés en pesticides issus de l’agriculture. Les valeurs limites écotoxicologiques de l’ordonnance sur la protection des eaux sont en partie considérablement dépassées. Les valeurs limites ou les critères de qualité écotoxicologiques sont appliqués dans toute l’Europe pour évaluer la qualité de l’eau. Pour certaines substances, aucun effet néfaste n’est attendu en deçà de ces valeurs limites.
Les mesures effectuées par l’Eawag en temps réel montrent que les concentrations maximales en pesticides peuvent être, ponctuellement, 170 fois supérieures aux valeurs mesurées dans les échantillons composites sur deux semaines, dans le cadre du monitoring de routine. Pour certains pesticides, des pointes de concentration de moins d’une heure ont déjà des effets nuisibles sur les organismes aquatiques.
Fertilisants provenant de l’agriculture
On fait la différence entre micropolluants et macropolluants. Ces derniers désignent des substances de l’ordre du mg/l ou du g/l. Le nitrate ou le phosphate sont des exemples classiques de fertilisants. Lorsque l’eau est trop riche en éléments nutritifs, les algues prolifèrent et épuisent l’oxygène contenu dans l’eau. Dans les lacs surfertilisés, beaucoup d’organismes vivants perdent ainsi leurs ressources vitales.
L’agriculture est la principale source d’apport de nutriments dans la nappe phréatique. Quelque 36 000 tonnes d’azote par an sont déversées directement et polluent la nappe phréatique sous forme de nitrate. Dans les terres cultivées, les exigences relatives au nitrate définies dans l’ordonnance sur la protection des eaux ne sont pas respectées depuis des années pour plus de 40 % de tous les points de mesure des eaux souterraines. Le problème du nitrate n’est pas résolu depuis des années, pour beaucoup de services des eaux, la nécessité d’agir est d’autant plus grande.
Suite à l’apparition de tapis de mousse et au dépérissement des lacs, des STEP ont été construites sur tout le territoire Suisse dans les années 1960 et 1970 pour éliminer les composés organiques. Dans les années 1980, bon nombre de ces STEP ont été mises à niveau en raison de concentrations de phosphore et d’ammonium toujours trop élevées. La dénitrification a ensuite été ajoutée à de nombreuses STEP comme étape d’épuration supplémentaire dans les années 1990 et 2000. Aujourd’hui, près de 50 % de l’azote et environ 90 % du phosphore sont éliminés des eaux usées. En comparaison à d’autres pays tels que l’Allemagne et l’Autriche (où le degré d’épuration s’élève à 75 % pour l’azote), le potentiel d’amélioration est encore grand. De plus, un excédent d’azote de 97 000 tonnes est produit en Suisse, dont 20 000 tonnes sont issues des stations d’épuration des eaux usées communales. La décision du parlement en date du 25 novembre 2021 devrait contribuer à accroître le degré d’épuration.